Les villes au Moyen Age

LES VILLES DU HAUT MOYEN AGE

LES VILLES DE L'ÉPOQUE MÉROVINGIENNE

Les villes de Gaule, resserrées dans les enceintes élevées au moment des invasions barbares, semblent avoir conservé une certaine activité à l'époque mérovingienne, en dépit de leur faible superficie, de la disparition des institutions municipales du Bas-Empire et de la condition des habitants qui tend de plus en plus vers la servitude.

1. Entretien des remparts gallo-romains

(En 584) le roi Chilpéric envoya des messagers aux ducs et aux comtes pour leur ordonner de relever les murs des villes et pour mettre à l'abri à l'intérieur de ces remparts leurs biens, leurs femmes et leurs fils.

GRÉGOIRE de TOURS (mort en 594). Histoire des Francs, VI, 27 (41). Ed. Henri OMONT et Gaston COLLON. T. I. Paris, Picard, 1886 (Collection de textes pour servir à l'étude et à l'enseignement de l'histoire), p. 230.


2. Construction de cirques

Chilpéric ordonna de construire des cirques à Soissons et à Paris, afin de donner des spectacles au peuple.

GRÉGOIRE de TOURS, V, II (17). Ibid., p. 162.


3. Les rues de Paris en 583

Lorsque le roi et la reine furent sortis de l'église, Leodastis, le comte de Tours, les suivit sur la place, ne sachant ce qui allait lui arriver; faisant le tour des maisons des marchands, il fouille leur éventaire, soupèse l'argent et examine les bijoux divers, déclarant : « J'achèterai ceci et cela, car je possède beaucoup d'or et d'argent ».

GRÉGOIRE de TOURS, VI, 23 (32). Ibid., p. 222-223.


4. Colonies de marchands juifs et syriens à Orléans en 581

Lorsque le roi Gontran parvint à Orléans, c'était le jour de la fête du bienheureux Martin... Il s'avança à sa rencontre une foule immense, portant des enseignes et des étendards et chantant des louanges. Ici retentissait la langue des Syriens, ici la langue latine, là même la langue des juifs, éclatant en louanges diverses.

GRÉGOIRE de TOURS, VIII, I. Ibid. T. II, 1893, p. 49.


5. Développement de la puissance épiscopale dans les villes

Chilpéric disait souvent : « Voici que notre fisc devient de plus en plus pauvre; voici que nos richesses passent aux mains des églises; plus personne n'exerce d'autorité si ce n'est les évêques*; notre pouvoir royal s'effondre et passe aux évêques des cités."

GRÉGOIRE de TOURS, VI, 33 (46). Ibid., T. I, p. 235.


ABANDON ET DESTRUCTION DES ENCEINTES GALLO-ROMAINES AUX VIIIe ET IXe SIÈCLES

1. Utilisation des pierres provenant des monuments gallo-romains de Lillebonne (vers 737)

Le prévôt Ermharius fit construire (à Saint-Wandrille) la basilique du bienheureux archange saint Michel, édifice de dimensions modestes certes, mais d'une très belle architecture. On apporta, pour construire les arcs et la façade, des pierres de taille provenant de Lillebonne (1), place autrefois très noble et puissamment fortifiée.

Gesta abbatum Fontanellensium (rédigés entre 833 et 845). Ed. S. LOEWENFELD. Hanovre, Hahn, 1886 (Monumenta Germaniae historica. Scriptores rerum germanicarum in usum scholarum), p. 33.

1. Parmi les monuments romains qui servent de carrière, les enceintes sont fréquemment utilisées, puisque la paix qui règne en Gaule ne les rend plus indispensables.


2. Destruction des enceintes de Francfort et de Ratisbonne au début du IXe siècle

(Louis le Pieux) fit construire de nouveaux sanctuaires à Francfort et à Ratisbonne, édifices d'un travail admirable. Comme, en raison de leurs grandes dimensions, on n'avait pas de pierres en quantité suffisante, il fit détruire les murs de ces villes.

LE MOINE DE SAINT-GALL. Gesta Karoli. II, II. (Composés entre 884 et 887.) Ed. G.-H. PERTZ. Dans : Monumenta Germaniae historica. Scriptores. T. II. Hanovre; Hahn, 1829, p. 754.


DÉFENSE DES VILLES CONTRE LES INVASIONS NORMANDES

A part quelques centres commerciaux et les cités du sud de la France, le monde carolingien dont l'économie est essentiellement rurale, ne connaît pas de vie urbaine comparable à celle qui se manifeste à la même époque dans le monde musulman. Devant la menace des invasions normandes, hongroises et sarrazines, on restaure les fortifications des cités, souvent sur l'initiative des évêques* dont l'autorité est devenue prépondérante la ville n'est plus qu'un réduit défensif.

1. Charles le Chauve organise la défense des cités (25 juin 864)

Que ceux qui n'ont pu aller combattre l'ennemi travaillent aux ouvrages des cités nouvelles et des ponts... qu'ils montent la garde dans les cités... que tous participent à la défense du pays.

Second capitulaire de Pitres, Ed. A BORETIUS et V. KRAUSE. Capitularia regum Francorum. T. II. Hanovre, Hahn. 1897 (Monumenta Germaniae historica. Leges. II) p. 321.


2. L'évêque d'Orléans restaure les murs de la ville

A l'intérieur des murs de la ville d'Orléans, un sanctuaire en l'honneur de saint Benoît avait été construit par l'abbé Medon (1), assez exigu mais situé au coeur même de la cité, comme l'exigeait l'époque et, pour cette raison, très apte à servir d'habitation à l'abbé et aux moines... Aux environs de l'hiver, devant la menace d'une invasion des païens (2), les frères s'y réfugièrent. Certes... la cité avait déjà été incendiée à deux reprises et détruite une autre fois, et aucune défense ni secours n'y semblait possible, jusqu'à ce que son vénérable évêque, Gautier (3), sous l'inspiration divine, restaurât les murs de la cité qui avaient été presque entièrement détruits et n'assurât ainsi la défense des habitants.

ADREVALDE, moine de Fleury, mort en 878 ou 879. Miracula sancti Benedicti. Ed. O. HOLDER-EGGER. Dans : Monumenta Germaniae historica. Scriptores. T. XV, 1. Hanovre, Hahn, 1887, p. 497

1. Abbé de Fleury-sur-Loire, aujourd'hui Saint-Benoît-sur-Loire.
2. Les Normands.
3. Gautier, évêque d'Orléans (869-891).


3. Rôle des évêques dans la restauration des enceintes urbaines : épitaphe d'un archevêque de Reims

Dans cette tombe reposent les membres du grand Foulques (1), Noble évêque du siège de Reims... Il enrichit son évêché en y ajoutant de nombreux biens, Il restaura les murs de cette cité.

Monumenta Germaniae historica. Poetae latini. T. IV, I. Hanovre, Hahn, 1899, p. 176.

1. Mort en 900.


DESTRUCTION DE CHARTRES PAR LES NORMANDS (858)

La ville de Chartres, l'une des plus peuplées et des plus opulentes parmi les villes de Neustrie, était très célèbre par l'importance de ses murs, par la beauté de ses édifices et par l'étude qu'on y faisait des arts libéraux... Elle était construite en énormes pierres carrées et garnie de hautes tours; pour cette raison, on l'appelait la ville des pierres. Elle était riche en aqueducs et bien pourvue de voies souterraines par lesquelles lui arrivaient toutes les denrées nécessaires. Et la voici maintenant détruite jusqu'au sol et dévorée par le feu.

Cartulaire de Saint-Père de Chartres. Ed. B. GUERARD. T. L Paris, Impr. Crapelet, 1840 (Coll, de documents inédits sur l'histoire de France. 1re série. Histoire politique. Coll. des cartulaires de France), p. 5.


VERDUN EN 985 : LA VILLE ET LE BOURG DES MARCHANDS

Les invasions et les destructions normandes ont ruiné la vie urbaine. Il se développe cependant au voisinage des cités épiscopales, des châteaux ou des abbayes, des bourgs* à la population composite : anciens serviteurs de l'évêque*, du seigneur ou du monastère, paysans de la banlieue, marchands étrangers à la région (aubains).
La situation de la ville permet à ceux qui l'abordent d'y accéder de front par une plaine sans obstacle; mais par derrière, elle est inaccessible. De ce côté, en effet, s'étend à pic, de toute part, une faille profonde. Du bas au sommet, elle est hérissée de rochers escarpés. Non seulement la ville abonde en sources et en puits qui sont commodes pour les habitants, mais en outre, elle est boisée, et la rivière de Meuse la baigne du côté de la partie escarpée... L'enclos des marchands... entouré d'un mur comme une citadelle, est séparé de la ville par le cours de la Meuse, mais relié à elle par deux ponts jetés sur la rivière.

RICHER. Histoire de France (888-995). III, 101 et 103. Ed. et trad. Robert LATOUCHE. T. II. Paris, Les Belles lettres, 1937 (Les classiques de l'histoire de France au Moyen Age), p. 129 et 133.


DIFFICULTÉS D'UN VOYAGE DE REIMS A CHARTRES EN 991

L'historien Richer, invité par un clerc de Chartres à aller consulter un ouvrage d'Hippocrate, quitte Reims avec un domestique et un cavalier chartrain.

En partant, j'obtins de mon abbé pour tout secours une bête de somme, et c'est dépourvu d'argent, de vêtements de rechange et des autres objets nécessaires que j'arrivai à Orbais, monastère réputé pour sa grande hospitalité... Le lendemain, je partis pour Meaux. Mais, m'étant engagé avec mes deux compagnons dans les sentiers sinueux des bois, j'eus bien des déboires. Nous étant égarés à des carrefours, nous fîmes un détour de six lieues. Après la traversée de Château-Thierry, la monture... commença à marcher au pas d'un ânon. Le soleil... allait se coucher... le temps était pluvieux, quand notre vigoureux bucéphale, épuisé par un effort suprême, s'abattit entre les jambes du domestique qui le montait et expira foudroyé à six milles de la ville... Le domestique... était rompu de fatigue... Il n'y avait plus de monture pour porter les bagages. Des averses diluviennes de pluie tombaient...
Je laissai sur place le domestique avec les bagages... et accompagné seulement du cavalier chartrain, j'arrivai à Meaux. Je distinguai avec peine, à la clarté du jour, le pont sur lequel je m'avançai ; mais en le contemplant, je fus saisi de nouvelles émotions. Il était percé de trous si grands et si nombreux que ceux qui étaient en relations avec les habitants de la ville avaient eu de la difficulté à le traverser dans la journée. Le Chartrain... chercha partout aux alentours un bateau. N'en trouvant pas, il revint tenter les dangers du pont et, grâce au ciel, les chevaux le traversèrent sans accident...
La nuit était devenue effrayante.. quand je pénétrai dans la basilique de Saint-Faron... Je renvoyai auprès du domestique laissé en route le cavalier chartrain avec les chevaux... Il finit par le trouver après l'avoir souvent appelé en criant. Il le prit avec lui, et en arrivant à la ville, comme il se méfiait des dangers du pont... il se réfugia dans une chaumière avec le domestique et les chevaux... (Le lendemain), ils se présentèrent de bonne heure, accablés d'inanition. On leur offrit... à manger; on donna du grain et de la paille aux chevaux. Je laissai... le domestique qui était à pied et c'est en compagnie du seul Chartrain que j'arrivai rapidement à Chartres. Je renvoyai immédiatement les chevaux et je fis venir le domestique de la ville de Meaux.

RICHER. Histoire de France (888-995). Ed. et trad. Robert LATOUCHE. T. II. Paris, Les Belles lettres, 1937, p. 224-231.



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